Le dialogue politique est mort-né avant même de commencer, a affirmé au confrère arabophone El Arabi, l’illustre activiste des droits de l’homme et grande intellectuelle mauritanienne, Mekfoula Mint Brahim.
La concertation dont la préparation a pris un an a effectivement échoué avant même d’être lancée entre tous les partis politiques, tout comme cela a été le cas de tous les projets de développement du pays qui l’ont précédées et qui ont connu le même fiasco, a-t-elle dit.
En prenant en compte les déclarations faites par les partis d’opposition, selon lesquelles, un ordre a été donné de suspendre le dialogue sans avisé au préalable les membres de l’opposition au sein de la commission chargée de sa préparation, on peut en déduire que le pouvoir, comme à l’accoutumée, n’est pas content des axes et clauses de cette concertation politique, a-t-elle précisé au confrère.
La volonté politique des autorités ne veut pas d’un dialogue qui ne verse pas dans l’intérêt du régime en place ou de l’Etat profond, a-t-elle assuré, citant parmi les leaders qui se sont retirés de cette mascarade, le défenseur des droits de l’homme et deux fois ancien candidat à l’élection présidentielle Biram Dah Abeid, et le président des Forces Progressistes pour le Changement (FPC), Samba Thiam.
Ces retraits sont dus, parait-il, au fait que le régime en place n’a pas bien préparé le dialogue, ou ne s’attendait pas aux résultats auxquels sont arrivés les dialoguistes, sinon comment comprendre son brusque arrêt !, s’est-elle interrogée.
En tant qu’observateurs intéressés par l’encrage de la démocratie, nous considérons que les partis d’opposition se sont métamorphisés en ce qui s’apparente à une Majorité bis, manifestant à tous les niveaux de la complaisance avec le gouvernement, perdant du coup sa crédibilité et sa légitimité légendaires auprès des analystes, après avoir déclaré son soutien au président Mohamed Ould Cheikh Ghazouani et sa participation à ses gouvernements qui n’ont tenu aucun de leurs engagements.
On peut dire aujourd’hui sans nous tromper, que la Majorité et l’Opposition n’expriment pas vraiment la volonté des Mauritaniens, voire même que l’opposition n’a plus de présence réelle dans la rue, qu’elle est devenue complice et désintéressée des violations et exactions commises par le pouvoir dirigeant ; ce qui revient à dire que nous sommes confrontés à une crise majeure, avec chacun des deux camps.
L’annonce de la suspension de la concertation politique quelques jours avant le lancement effectif de celle-ci risque d’écrire sa fin, a dit l’activiste Mint Brahim, mettant en exergue, l’objection manifestée par certains partis à l’introduction de questions précises dans cette concertation.
Extrait du palmarès de lutte de l’infatigable activiste des droits de l’homme
- Militante mauritanienne des droits des femmes et des minorités, Mekfoula Mint Brahim, a reçu le prix pour l’Afrique décerné par l’ONG internationale Front Line Defenders pour les défenseurs des droits humains en danger. “Mekfoula est une défenseuse des droits humains courageuse qui s’attaque à certains des problèmes les plus épineux de la société mauritanienne et le fait avec dignité et grâce”, avait affirmé le directeur exécutif de l’ONG, Andrew Anderson, la qualifiant de “modèle pour toute une génération de jeunes Mauritaniens”.
- La défenseure des droits humains Mekfoula Mint Brahim avait été arrêtée avec neuf autres personnes, suscitant les réactions d’Amnesty International, qui a qualifié son interpellant de signal négatif dans un pays où les nouvelles autorités avaient récemment promis une rupture avec le passé brutal en matière de droits humains.
- Mekfoula Mint Brahim figure parmi les lauréats africains de l’édition 2018 du Prix franco-allemand des droits de l’Homme et de l’État de droit.
- En décembre 2019, elle est décorée des insignes de Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur par l’ambassadeur français en Mauritanie Robert Moulié.